"Médusa la courageuse"

Médusa se sent bien seule. Elle n’a personne à qui parler, pas le moindre compagnon de jeu. Les autres animaux de la mer semblent avoir peur d’elle. Sur son passage, toutes les conversations s’arrêtent. Et les histoires les plus absurdes circulent à son sujet. On dit qu’elle a du poison dans ses tentacules. Qu’elle chasse par jeu, même quand elle n’a pas faim.

Il est vrai que, transparente comme l’eau, on ne le voit pas venir. Elle fait sursauter les raies qui passent pourtant pour les spécialistes du camouflage. Les crabes, les tortues et même les requins évitent sa compagnie. Pourtant Médusa n’a jamais fait de mal à personne. Elle qui a tant de choses à offrir. Ah si seulement elle avait une amie…

Aujourd’hui la mer est particulièrement agitée. La lumière a du mal à atteindre les fonds marins. Est-ce une tempête qui se prépare ? Ou une expédition de pêche organisée par les hommes d’en haut ? Le sable se soulève par paquets entiers, obligeant les raies à sortir de leur cachette. Les poissons sont très nerveux. Ils tournent en rond et se cognent les uns les autres.

Médusa s’est mise à l’abri au milieu des algues. Elle tente de distinguer ce qui se passe au travers de ces immenses tourbillons de sable. Soudain, un grondement lourd se fait entendre. Les animaux sont paralysés de peur. Ils cherchent désespérément un refuge. Ils se dirigent vers les rochers. Médusa pense que ce n’est pas une bonne idée mais comment leur faire comprendre ?

Le sol tremble et des cailloux commencent à tomber de partout. Médusa évite une grosse pierre qui s’écrase juste à côté d’elle. Elle sent que ses compagnons vont bientôt être pris au piège des rochers. Elle essaye de les prévenir mais ils refusent de l’écouter. Certains disent que c’est elle qui attire le mauvais sort. Ils lui jettent des cailloux, l’obligeant à s’en aller.

Médusa s’éloigne en pleurant doucement. Elle se sent si seule. Les courants sont de plus en plus forts. Elle ne lutte même plus. Puisque personne n’a besoin d’elle, elle peut se laisser mourir. Les rochers s’écroulent. Médusa entend des cris de désespoir, des appels à l’aide. Elle croit même entendre crier son nom. Oui, c’est bien elle qu’on appelle à l’aide !

Bravant le danger, Médusa enlève une à une les pierres qui bloquent la sortie. Ses tentacules font des merveilles, sa force semble décuplée. Les poissons s’échappent les premiers, ils l’aident à dégager le reste des rochers. Bientôt, tout le monde est parvenu à se libérer. Médusa est portée en triomphe. Grâce à son courage, elle est devenue la meilleure amie de tous.


Texte protégé par la loi sur le droit d'auteur; écrit par Vincent Fournier et publié dans le le magazine Vive la mer (N°4 Janvier-Février 2006 - édité par GO MULTIMEDIA SARL). Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous supports et tous pays.