Martin, le facteur volant

Mais que se passe-t-il donc à la ferme ce matin ? Les animaux paraissent nerveux et d’assez mauvaise humeur. Ils se sont rassemblés dans la basse-cour et scrutent l’horizon avec impatience. « Mais où reste donc ce maudit canard ? », se demandent les oies en faisant les cent pas. « J’espère qu’il ne lui est rien arrivé », dit, inquiet, Edgar le Cheval.

Au loin, la silhouette de Martin, le facteur, apparaît enfin. « Ahhhh, c’est pas trop tôt ! », s’exclament les poules qui se jettent sur la sacoche contenant le courrier. Le pauvre canard boiteux est épuisé par le long trajet qu’il vient de parcourir, à pied, sous un soleil de plomb. Les animaux fouillent dans sa besace sans se préoccuper de lui.

Martin plonge la tête dans l’abreuvoir aux chevaux pour récupérer un peu de ses forces. « Si seulement je n’avais pas eu ce stupide accident, je pourrais encore voler ! », dit-il. « Le courrier arriverait plus vite et moi, je ne serais plus aussi fatigué ». Edgar, qui passait par là, a tout entendu. Il convoque les animaux de la ferme et, ensemble, ils décident d’agir.

Sous la direction d’Edgar, chacun y va de sa petite contribution pour construire à Martin une paire d’ailes qui devrait lui permettre de voler à nouveau. Les vaches et les cochons ramassent de la paille bien drue. Les lapins se chargent de tailler les épis de leurs dents expertes et les moutons donnent un peu de leur laine pour attacher le tout fermement.

Martin range dans sa sacoche vide les lettres et les paquets que lui ont laissés les animaux de la ferme. Il n’a pas l’air en forme mais il doit reprendre sa tournée car d’autres animaux l’attendent certainement avec impatience. Edgar l’arrête en chemin. Derrière lui, les poules s’avancent en portant la superbe paire d’ailes couleur d’or.

Touché par cette attention, Martin reste sans voix. Avec l’aide de quelques oies, il enfile les ailes et tente un premier décollage maladroit. Il termine sa course dans un buisson dont il ressort tout étourdi. Loin de se décourager, il prend un nouvel élan et s’élance à l’assaut du ciel, sous les regards ébahis de tous les animaux.

Martin, le facteur volant, est devenu la coqueluche de toutes les fermes de la région. Désormais, le courrier n’arrive plus jamais en retard et Martin a même l’occasion de papoter avec les animaux des fermes qu’il visite. Il n’a jamais été aussi heureux de sa vie. Le ciel n’a plus de secret pour lui. Il lui arrive même de distribuer du courrier à l’étranger.


Texte protégé par la loi sur le droit d'auteur; écrit par Vincent Fournier et publié dans le le magazine J'aime les animaux de la ferme (Novembre-Décembre 2005 - édité par GO MULTIMEDIA SARL). Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous supports et tous pays.