mon blog à histoires

Bonjour à tous et bienvenue dans mon blog à histoires. Ecrites pour les enfants et publiées dans différents magazines spécialisés depuis 2005, celles-ci peuvent être lues ou racontées sans restriction aucune (dans le respect du droit d'auteur bien entendu). N'hésitez pas à me solliciter ou à me laisser vos commentaires. Bonne lecture !

vendredi, juillet 07, 2006

La sorcière Chapada dans "Chapada découvre le monde des sorciers"

Chapada est une jeune fille moderne, en tous points semblables à ses camarades de classe. Seulement voilà, Chapada a un secret : c’est une petite sorcière ! Elle a découvert ses étranges pouvoirs ce matin même. Elle jouait avec Moustache, le chat du voisin, quand subitement, elle l’a entendu distinctement lui parler. Elle a d’abord cru à une mauvaise plaisanterie du voisin, particulièrement doué pour faire le ventriloque. Mais elle a rapidement compris que le voisin n’y était pour rien. La maman de Chapada, qui observait sa fille depuis la fenêtre de sa cuisine, redoutait le jour où elle découvrirait qu’elle était une sorcière. Elle-même en était une, comme sa mère avant elle, et toutes les générations de femmes de sa famille.

Chapada était encore sous le choc de cette révélation. « Il y a plus de sorciers et de sorcières dans le monde moderne que tu ne le crois », lui dit sa maman. « A partir de maintenant, tu risques d’en rencontrer beaucoup sur ta route. Et tu vas devoir être très prudente. Certains sont gentils, comme nous, mais d’autres sont très méchants ». « Mais comment est-ce que je les reconnaîtrai ? », demanda Chapada visiblement très inquiète. « Tu les reconnaîtras ma chérie », lui dit sa maman. « Regarde-moi et dis-moi ce que tu vois ! », ajouta-t-elle en reculant de quelques pas. Chapada fixa sa maman un long moment et, à sa grande surprise, elle la vit se transformer en sorcière comme on en voyait tant dans les livres d’histoires.

Le jour suivant, Chapada n’osait pas sortir de sa chambre. Son père frappa plusieurs fois à sa porte car il devait l’emmener à l’école. Mais Chapada ne répondait pas. Il se décida finalement à entrer et vit Chapada, assise sur son lit, immobile, le cartable sur les genoux. « Que t’arrive-t-il donc Chapada ? », demanda-t-il. « Tu ne te sens pas bien ? ». La petite sorcière ne dit rien. Elle se contenta de fixer son père un long moment pour voir si lui aussi était un sorcier. La maman de Chapada entra dans la chambre, un peu amusée. « Non Chapada, dans cette maison, il n’y a que toi et moi », dit-elle. « Mais, surtout, chut ! C’est notre secret ». Elle sourit à sa fille et l’embrassa sur la joue. « Mais de quoi est-ce que vous parlez ? », demanda le père.

Cette journée à l’école était l’occasion pour Chapada de voir si, parmi ses amies, il y a avait d’autres petites sorcières. Elle demeura silencieuse et fixait avec insistance les enfants un à un. « Vous me semblez très distraite aujourd’hui », lui dit soudain Madame Bermuzine, le professeur d’histoire. A cette remarque, Chapada sortit de ses songes et s’excusa. C’est alors qu’elle remarqua que Madame Bermuzine lui souriait étrangement. « Bienvenue parmi nous ! », lui dit-elle en s’avançant vers la jeune fille. A chacun de ses pas, Bermuzine se transformait en sorcière. Mais son habit ne ressemblait pas à celui de la maman de Chapada. Il était sale et pleins de trous. Cela voulait-il dire que Madame Bermuzine était une méchante sorcière ?

Chapada se posa cette question toute la journée. Bien entendu, elle n’osa pas le demander directement à Madame Bermuzine. Alors qu’elle se lavait les mains dans les toilettes de l’école, juste avant de rentrer en cours, Chapada fut surprise par l’intrusion de la Directrice. « Et bien Mademoiselle ? Vous n’êtes pas en classe ? La cloche ne va pas tarder à sonner », lui dit-elle d’une voix autoritaire. Chapada se sécha vite les mains. Elle ne put s’empêcher de lâcher un petit cri lorsqu’elle croisa le reflet de la Directrice dans le miroir. Un reflet de sorcière à l’habit effrayant avec un chapeau d’où plusieurs serpents s’échappaient en sifflant. Chapada sortit vite des toilettes pour rejoindre sa classe. Au passage, elle bouscula Madame Bermuzine.

Au cours de cette longue semaine d’école, Chapada découvrit en effet que le monde était peuplé de nombreux sorciers et sorcières. Exactement comme le lui avait dit sa maman. Mais, à ce jour, il lui était impossible de distinguer les gentils des méchants. Sa maman lui dit : « Tant qu’il n’a rien fait de méchant, on ne peut pas distinguer un bon sorcier d’un mauvais. Et ne te laisse pas influencer par l’habit. Cela ne veut absolument rien dire. » Chapada se demandait aussi pourquoi aucune de ses camarades de classe n’était une sorcière. « Tous les sorciers que j’ai rencontrés sont des adultes », dit-elle. « Tu ne peux pas voir une sorcière qui ne s’est pas découverte elle-même », répondit la maman de Chapada. « Tu risques d’être surprise dans les jours qui viennent ».

Et en effet, la surprise fut au rendez-vous le lundi matin. Caroline, la meilleure amie de Bermuzine n’était pas en classe au moment où le cours de français débutait. Elle arriva en retard, toute essoufflée. Elle se dirigea avec son lourd cartable à son banc, juste à côté de Chapada. Au moment de s’asseoir, elle laissa échapper un petit cri. Chapada la fixa et toutes deux se mirent à crier au même moment. « Chapada, toi aussi, c’est affreux ! », dit Caroline. « Allons, allons, mesdemoiselles, un peu de tenue je vous prie », interrompit le professeur de français. Chapada et Caroline découvrirent au même moment que le professeur de français était une sorcière elle aussi. « Nous discuterons de tout cela plus tard si vous le souhaitez », leur dit-elle à voix basse.

Dans la cour de récréation, Caroline et Chapada s’amusèrent à deviner qui, parmi les autres enfants de l’école, pouvaient être des sorciers. « Certainement pas lui », dit Caroline, désignant Arnaud, un garçon plutôt timide et maladroit. « Et elle, qu’en penses-tu ? », demanda Caroline en désignant Elisabeth, une fille prétentieuse. « Je ne sais pas », répondit Chapada. « Mais si c’en est une, c’est certainement une méchante !» A ces mots, comme si Elisabeth les avait entendues, elle tourna le visage vers elles et murmura quelque chose entre ses dents. Chapada et Caroline virent les mots sortir de la bouche de la jeune fille et venir tourner autour de leurs têtes. Subitement, ils se mirent à tourner de plus en plus vite avant de s’engouffrer dans la bouche de Caroline.

De retour à la maison, Chapada se précipita dans la cuisine. Elle raconta à sa maman tout ce qui s’était passé à l’école. Elle décrivit dans les détails l’épisode des mots sortis de la bouche d’Elisabeth. « Mon Dieu », dit la maman de la petite sorcière. « Est-ce qu’elle est parvenue à les recracher au moins ? », demanda-t-elle, très inquiète. « Non ! », dit Chapada. « Je crois même qu’elle les a avalés ». A ces mots, la maman de Chapada défit son tablier et abandonna immédiatement sa cuisine. « Conduis-moi chez ton amie ! », dit-elle. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Chapada et sa mère sortirent de la maison, bousculant au passage le père de Chapada. « Et où allez-vous comme ça ? », hurla-t-il en les regardant s’éloigner.

Il fallut très peu de temps à Chapada et sa mère pour arriver chez Caroline. Les portes de la maison étaient fermées et, plus étrange encore, les volets aussi. Il régnait dans le voisinage, une étrange atmosphère, comme si l’air s’était subitement rafraîchi. « Pourvu qu’il ne soit pas trop tard !», dit la maman. « Ecoute-moi bien Chapada, ce que tu vas voir dans cette maison risque de te marquer à jamais. Toi seule peux sortir ton amie du sortilège qui lui a été lancé. Car tu étais à côté d’elle quand cela s’est produit. Oublie que Caroline est ton amie pour quelques instants car tu vas devoir l’affronter comme une ennemie si tu veux la sauver. Si tu échoues, ton amie sera une méchante sorcière à jamais ! ».

Chapada s’avança à pas de loups vers la maison de son amie. Elle jeta un dernier regard, inquiet, à sa maman, puis gravit un à un les marches qui menaient vers la porte d’entrée. Des bruits assourdissants accompagnaient chacun de ses pas. Elle se boucha les oreilles mais comprit rapidement qu’elle devait surmonter tous les obstacles si elle voulait sauver Caroline. De sa voix la plus douce, elle se mit à chanter la plus jolie des chansons qu’elle connaissait. Les bruits cessèrent immédiatement. Elle entreprit alors d’ouvrir la porte qui, comme elle s’en doutait, lui résista fortement. Chapada réfléchit quelques instants et dit : « Puisque tu ne veux pas me laisser entrer, je vais te peindre en rose, la couleur de l’amour ! ». La porte s’ouvrit brusquement.

L’intérieur de la maison était plongé dans l’obscurité la plus totale. Chapada n’y voyait pas grand-chose. Elle alluma l’interrupteur qui lui envoya une petite décharge électrique. Mais toujours pas de lumière ! Elle ferma alors les yeux et inspira profondément avant de relâcher l’air de toutes ses forces. Son souffle se transforma en lumière blanche jaillissant dans chaque recoin de la maison. Elle découvrit des traces de lutte : des chaises renversées, des verres cassés,… Mais aucune trace de Caroline, ni de qui que ce soit d’autre d’ailleurs. Soudain, un gémissement attira l’attention de la petite sorcière. Chapada s’avança doucement dans le salon où elle découvrit la maman de Caroline, attachée à une chaise. Face à elle, trônait un chat noir à l’air menaçant.

Chapada savait généralement comment s’y prendre avec les chats. Mais celui-là n’avait rien d’un chat ordinaire. Il n’arrêtait pas de souffler, de miauler et de gigoter sur ses pattes arrière, comme s’il cherchait à impressionner la maman de Caroline. Lorsqu’il aperçut Chapada, il souffla si fort dans sa direction qu’elle en tomba à la renverse. Chapada parvint à se relever et s’avança vers le chat qui soufflait de plus en plus fort. Son souffle était si puissant que tous les meubles de la pièce se mirent à bouger. Mais Chapada tenait bon, elle marchait dans sa direction comme si elle affrontait le vent. Voyant que Chapada était trop forte pour lui, le chat cessa de souffler. A la place il fit sortir de sa bouche des milliers de mots.

Chapada ferma aussitôt la bouche, rapidement imitée par la maman de Caroline. Les mots sortaient de plus en plus nombreux. Chapada les observait du mieux qu’elle pouvait. Elle les voyait tourner autour d’elle, de plus en plus vite, de plus en plus menaçants. Dans un effort de concentration extraordinaire, elle parvint enfin à ralentir leur manège pour finalement les immobiliser complètement. Elle fixa alors le chat. Un mot était resté bloqué dans sa gorge, il suffoquait. Chapada le délivra en lisant à voix haute l’étrange mot qui explosa comme une bulle de savon. Elle fit pareil avec tous les autres mots qui, un à un, éclatèrent. La maman de Caroline aida Chapada dans cette entreprise et, en moins de dix minutes, les mots avaient tous disparus.

La maman de Caroline remercia Chapada de l’avoir délivrée. « Mais il te reste maintenant à délivrer Caroline », lui dit-elle en désignant le chat. Surprise, Chapada regarda le chat noir qui gisait, épuisé, au pied du fauteuil. Elle s’approcha de lui pour tenter de le caresser. Mais le chat tenta de la griffer. Il était épuisé, certes, mais toujours agressif. Que fallait-il faire pour que Caroline redevienne comme avant ? Personne ne le savait ! Seule Chapada, comme le lui avait dit sa maman, détenait le secret de la délivrance. Elle demeura longtemps songeuse face au chat qui se laissait maintenant caresser. Après un temps, elle le regarda fixement dans les yeux et dit simplement, de sa voix la plus douce : « Caroline, tu me manques ! ».

A ces mots, comme par enchantement, Caroline reprit la forme de la gentille petite fille qu’elle avait toujours été. Elle se jeta dans les bras de Chapada, sa meilleure amie pour la vie. La maman de Chapada félicita sa fille. « Bravo Chapada », lui dit-elle. « Mais comment as-tu fait pour la délivrer du mauvais sort ? ». « En restant moi-même ! », répondit Chapada. « Une petite fille comme toutes les autres ! ».


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