mon blog à histoires

Bonjour à tous et bienvenue dans mon blog à histoires. Ecrites pour les enfants et publiées dans différents magazines spécialisés depuis 2005, celles-ci peuvent être lues ou racontées sans restriction aucune (dans le respect du droit d'auteur bien entendu). N'hésitez pas à me solliciter ou à me laisser vos commentaires. Bonne lecture !

vendredi, juillet 07, 2006

"Vive le mercredi chez papy"

Comme chaque mercredi, Mathias rend visite à son grand-père. D’habitude, sa petite sœur Emilie l’accompagne mais, cette fois, elle a préféré aller au cinéma avec ses camarades de classe. Mathias adore passer du temps avec son papy, comme il l’appelle affectueusement. Pour lui, ce rendez-vous du mercredi est sacré. Le vieil homme, malgré ses soixante-douze ans, a une santé de fer. Et en plus, il a toujours de super idées pour amuser ses petits-enfants. Mais lorsqu’il ouvre la porte, grand-père est déçu de ne pas voir Emilie. C’est la toute première fois qu’elle ne vient pas un mercredi.

Mathias entre dans la maison comme une furie. Il aperçoit le vieux chat de papy et se met directement à le pourchasser. L’animal, ce vieux sac à puces, comme dit papy, est rusé. Il parvient toujours à échapper à Mathias en se dissimulant sous un lit ou une armoire. Mathias a perdu la trace du petit félin et décide d’abandonner la poursuite. « Tu ne perds rien pour attendre », lui lance-t-il d’un air menaçant. Ensuite, il s’empresse d’aller rejoindre son papy au salon. Mathias trouve son grand-père assis dans un des fauteuils. Et quelle surprise ! Le chat a pris place sur ses genoux.

Mathias oublie bien vite son idée d’ennuyer le chat lorsqu’il remarque la triste mine de son grand-père. « Et bien papy, qu’est-ce qui t’arrive ? », lui demande-t-il. « Rien ! », répond le vieil homme d’une voix caverneuse. « Mais si, je le vois bien, c’est à cause d’Emilie, pas vrai ? ». Le grand-père de Mathias ne répond pas. Il se contente de caresser le chat en regardant fixement le mur devant lui. Ses yeux sont un petit peu mouillés, l’émotion sans doute. Mathias réfléchit en faisant les cent pas dans le salon. « Qu’est-ce qu’on pourrait bien faire ? », se demande-t-il.

« Papy, viens, habille-toi, on sort ! », dit soudain Mathias. Il tire son grand-père par la manche et l’emmène dans le couloir, devant la porte d’entrée. Le vieil homme se laisse faire, comme une marionnette désarticulée. Mathias enfile ses chaussures et sa veste puis aide son papy à mettre son manteau. Il lui visse son chapeau sur la tête, enroule son cou dans une écharpe et s’empare des clefs de la maison. « Où m’emmènes-tu ? », dit finalement le grand-père de Mathias. « J’en ai assez de chasser ton vieux chat ! », lui répond-il simplement. « Aujourd’hui on va à la chasse à Emilie ! ».

Le grand-père n’a même pas le temps de réagir. Il se retrouve dehors, en route vers l’arrêt d’autobus. « Tu te souviens quand tu nous parlais de ton rêve de devenir détective privé ? », demande Mathias à son papy. Assis dans le bus, le vieil homme fronce les sourcils : « Oui je me souviens mais je ne vois pas ce que… Attends, tu veux dire qu’on va… ». Le grand-père ne termine pas sa phrase. Il a compris ! Mathias sourit et le vieil homme retrouve subitement sa bonne humeur. « Tu as raison », dit-il enfin. « On va prouver à ta sœur qu’elle a eu tort de ne pas venir s’amuser avec nous.»

A peine descendus du bus, Mathias et son grand-père pénètrent dans un grand magasin. Ils essayent plein d’accessoires et des vêtements plus comiques les uns que les autres. Papy, dans sa longue veste, chapeau sur la tête, a vraiment le look du détective. Mathias, carnet en main, les cheveux en bataille, joue le rôle du parfait assistant. Avant de sortir du magasin, ils s’achètent chacun une paire de lunettes noires. « L’important, c’est de passer inaperçu ! », dit le grand-père qui s’est pris au jeu. Mathias est ravi d’avoir retrouvé son papy rigolard et enthousiaste, comme au bon vieux temps.

Mathias et son grand-père ne savent pas dans quel cinéma Emilie est entrée. « Elle ne m’a même pas dit le titre du film qu’elle allait voir ! », affirme Mathias. « Ah ah, une affaire compliquée mon cher Mathias !», dit son grand-père. « Le mieux c’est que nous commencions par interroger les gens de tous les cinémas ». Mathias se retourne et aperçoit au moins vingt salles de quartier différentes. Il se gratte la tête et s’apprête à dire quelque chose lorsqu’il se rend compte qu’il est seul au milieu du trottoir. Son grand-père a déjà commencé l’enquête. Mathias le rejoint, carnet en main.

En moins d’un quart d’heure, Mathias et son grand-père ont fait le tour de tous les cinémas du quartier. « Récapitulons, mon cher Mathias », dit le papy en prenant son air le plus sérieux. « La caissière du cinéma Le Roissy a vu un groupe de jeunes filles entrer dans le cinéma d’en face, Le Mandragore, à onze heures vingt ». Mathias acquiesce en relisant ses notes. « Or la caissière du Mandragore, elle, affirme n’avoir vu personne entrer à cette heure-là. Personne en tous cas qui ressemble à Emilie ». Mathias fait non de la tête. « Peut-être n’est-elle pas allée au cinéma», dit Mathias finalement.

« Suis-moi ! », dit soudain le grand-père. Il traverse le boulevard et se pose une nouvelle fois devant la caissière de La Mandragore. « Dites-moi, chère Madame, à quelle heure avez-vous pris votre service ce matin ? », demande le vieil homme. « Et bien, à onze heures cinquante, comme tous les mercredis ! Pourquoi ? ». Mathias et son grand-père échangent un regard complice. « Deux tickets pour La Princesse au cheval rose », dit Mathias. Il tend un billet à la caissière qui hésite : « Tu sais mon garçon, le film a déjà commencé et puis… c’est plutôt pour les filles ». Mathias et son papy insistent.

A l’intérieur de la salle, tout est noir ! Mathias et son grand-père se prennent les pieds dans le tapis. Quelques spectateurs leur demandent de rester tranquille. Mathias enlève ses lunettes de soleil pour y voir un peu plus clair. Son grand-père l’imite et tous deux s’asseyent au fond de la salle. Ils se concentrent quelques instants sur le film et ne peuvent se retenir de rire. Quel film stupide ! Les spectateurs mécontents sont de plus en plus nombreux. Ils foudroient Mathias et son grand-père du regard. « Il faudrait qu’on se rapproche », dit Mathias tout bas. « D’ici, je ne la vois pas ».

Mathias se lève en essayant de ne pas faire de bruit. Mais son siège grince horriblement et il écrase même du pop corn en s’approchant de l’écran. « C’est pas bientôt fini vous deux là ? », hurle une petite fille. Ses camarades se sont levées pour manifester elles aussi leur colère. Emilie est également debout mais elle se contente d’observer sans crier. Mathias la reconnaît tout de suite. Il la désigne du doigt à son grand-père qui attire le jeune garçon hors de la salle. Emilie est restée debout, prise d’un affreux doute. « Oh tu t’assieds ! », lui crie une voix du fond de la salle.

La caissière du cinéma aperçoit Mathias et son grand-père qui sortent de la salle en courant. « Je vous l’avais bien dit que c’était un film pour les filles !», leur crie-t-elle. Mathias est à bout de souffle. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? », demande-t-il à son papy ? Le vieil homme désigne un glacier qui se trouve juste en face du cinéma. « On va l’attendre là ! ». Lorsque le film se termine, Emilie et ses camarades passent devant le glacier. Mathias et son grand-père se tortillent pour éviter de se faire remarquer. Emilie s’arrête à leur hauteur, cherchant à comprendre ce qu’ils font.

Les filles ont décidé d’aller faire du shopping. Cela n’a pas l’air d’enchanter Emilie. A vrai dire, elle s’ennuie en compagnie de ses camarades car le shopping, ce n’est vraiment pas son truc ! Mathias s’est caché entre deux rayons de manteaux d’hiver pour l’observer. Son grand-père, quant à lui, fait semblant de s’intéresser aux pyjamas pour dames. « Je peux vous aider Monsieur ? », lui dit soudain une vendeuse. Mathias, craignant d’attirer l’attention d’Emilie, arrive à la rescousse. « Excusez-le, m’dame, il est aveugle, il ne sait pas où il va ». Il emmène son papy vers un autre rayon.

Mais Emilie a repéré son frère et son grand-père. Elle a aussi retrouvé le sourire. En se dissimulant derrière un présentoir rempli de chapeaux, elle fausse compagnie à ses camarades. Mais Mathias et le papy l’ont aussi perdue de vue. C’est elle maintenant qui s’amuse à les épier. Elle les suit entre les rayons du magasin et rit de leur maladresse. Les camarades d’Emilie sortent du magasin. Mathias et son grand-père décident de les suivre. Emilie, pour leur donner une bonne leçon, alerte un responsable de la sécurité. L’homme les arrête et les soumet à une fouille devant les clients du magasin.

De retour sur le boulevard, le grand-père de Mathias a senti que quelqu’un les suivait. « Ne te retourne surtout pas ! », dit-il. Il entraîne son petit-fils dans des quartiers moins fréquentés de la ville. Mathias n’est pas tout à fait rassuré. « Tu es sûr que c’est ici qu’on va retrouver Emilie ? », lui demande-t-il, la voix tremblotante. « Tout à fait sûr ! », répond le grand-père qui attire Mathias dans une ruelle sombre. Il lui met la main devant la bouche pour l’empêcher de parler au moment où Emilie passe devant eux sans les voir. « Bouh ! », lui font-ils en sortant de la ruelle.

Mathias et son grand-père rient de bon cœur. Ils sont contents du tour qu’ils viennent de jouer à Emilie. Emilie met un peu de temps avant de retrouver ses esprits car elle a eu très peur. Mais elle finit par éclater de rire elle aussi. Bras dessus, bras dessous, ils retournent tous les trois à la maison. Il n’y a décidemment rien de tel qu’un mercredi chez papy…


Texte protégé par la loi sur le droit d'auteur; écrit par Vincent Fournier et publié dans le le magazine Moi j'aime la lecture (N°1 Février-Mars 2006 - édité par GO MULTIMEDIA SARL). Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous supports et tous pays.